Lettres touchant la Levée, la Solde , l'Armement et les Obligations des Francs-Archers.

L

OYS, par la grace de Dieu, Roy de France, à tous ceulx qui ces presentes lectres verront, salut. Sçavoir faisons que, comme par feu nostre très-chier seigneur et pere, que Dieu absoille, eussent esté faictes plusieurs ordonnances sur le fait de l'entretation et entretennement des francs-archers de nostre royaume, et semblablement, depuis nostre arrivée à la couronne, en ayons fait, et mesmement, puis nagueres, pour aucunes complaintes et doléances que avons eues des exactions et pilleries qu'ils faisoient sur nos subjects à cause de l'entretennement desdicts francs-archers, ayons fait certaines déclarations et ordonnances, mais depuis icelles nous ayent esté faites plusieurs complaintes et remontrances, tant par les capitaines generaulx et plusieurs particuliers que de la part desdicts francs-archers, du contenu en icelles ordonnances, disans que, par la manière et forme qu'elles estoient faites, il seroit comme impossible que lesdits francs-archers se peussent entretenir, et aussi y avoir aucunes choses qui n'estoient pas assez clarifiées, en nous requérant que icelles, et semblablement les autres faites auparavant, nous voulsissions veoir et faire visiter à nostre conseil, et s'il y avoit aucune chose où ils connussent plus ample déclaration d'ediffication ou augmentation, que le voulsissions faire et y donner telle provision que iceulx francs-archers puissent raisonnablement estre entretenus quand besoing seroit : sçavoir faisons que nous, voulant donner ordre et police sur la matiere de l'entretennement desdicts francs-archers et oster toutes les pilleries qui y pourroient estre, et garder nos subjects de charges indeues, après que avons fait veoir par les gens de nostre conseil, en nostre présence, plusieurs ordonnances fautes sur le fait desdicts francs-archers, et mesmement celles qui ont esté faites en nostre ville de Paris au mois de janvier dernier passé, et, sur le tout, eu l'advis et deliberation des gens de nostre grand conseil et de nos finances, en corrigeant les ordonnances faites auparavant du jour d'hui sur le faict desdicts francs-archers , qui pourroient derroger à ces presentes, avons fait sur la maniere de leur entretennement les ordonnances qui s'ensuivent :

Premierement.

Que la monstre desdicts francs-archers sera presentement faite, se faite n'a esté de nouvel, par les capitaines generaulx ou leurs commis, par les élections et vicomtez, et au plus aisé lieu que faire se pourra, et à icelles monstres se trouveront lesdicts francs-archers en leurs habillements, et avecques eulx, pour se présenter à ladicte monstre seulement, ung homme de chacune cinquantaine, et s'il est necessaire de faire aucun amendement soit à la brigandine, salade, haucqueton et autres habillements de guerre d'iceulx francs-archers, il sera ceste fois reparé et mis en estat suffisant aux despens de ladicte cinquantaine, et sera fait commandement par ledict capitaine general ou son commis, ou celluy qui viendra pour ladicte cinquantaine, y faire besongner en toute diligence ; et ne seront lenuz lesdicts habitants mettre en estat ne bailler ausdicts francs-archers aucun pourpoint, chausses, bonnets, ne autre chose, sinon vrays habillemens de guerre eu haucquetons.

(2) Item.

Et après qu'ils seront ainsy habillez et mis en estat, les francs- archers seront dès-lors en avant tenuz eulx entretenir en tous habillemens souffisamment.

(3) Item.

Pour ayder à porter leurs armes et habillement, ainsi que autres fois a esté ordonné, lesdicts francs-archers, quand ils yront dehors en guerre, auront pour les quinze une charrette ferrée et atelée de trois chevaulx, qui pour cette première fois seront fournir et payez sur les deniers qui ont esté cueilliz pour cette cause, et après, ladicte charrette sera entretenue aux depens des habitans qui feront lesdicts quinze francs-archers, et sera au retour de chacun voyage ramenée par lesdicts francs archers et baillée en garde à telle personne que les habitans qui l'auront fournye adviseront ; mais les chevaulx, colliers, traitz et autres choses nécessaires pour mener ladicte charrette seront trouvées et fournies par lesdicts quinze francs-archers et à leurs depens, sans ce que iceulx habitans ayent aucun travail et paine de les garder, ne faire diligence aucune pour iceulx chevaulx, colliers, ne autres habillements desdicts chevaulx.

(4) Item.

Et affin que iceulx francs-archers se puissent mieulx entretenir en habillement et aussi desdicts chevaulx, lesdicts habitans de chacune cinquantaine paieront pour chacun an d'ores en avant à leur franc-archers, soit en temps de paix ou de guerre, la somme de neuf livres tournois aux deux monstres qui se feront deux fois l'an, et non plus, au temps et ainsy que par le capitaine general sera ordonné ; et, moyennant icelle somme, lesdits habitans ne seront teneuz bailler ne fournir aucuns habillemens de guerre, pourpoints, chausses, argent pour voyages de monstre ne autres choses quelzconques : mais, moyennant lesdictes neuf livres tournois, après que lesdictes francs-archers auront esté fourniz, comme dit est, des habillemens de guerre, lesdits habitans seront tenuz quictes de toutes mises et deposts pour lesdicts francs-archers, sauf pour l'entretennement de ladicte charrette. Toutesfois, s'il advenoit que, par fortune de guerre, aucun franc-archers perdist habillement de guerre uo partie d'icelluy, en ce cas, par la certification dudict capitaine general de ladite perte, par son commandement, iceulx habitans seront tenuz de faire bailler à leurs dépens au franc archer ce qui auroit esté perdus ainsi desdicts habillemens de guerre ; mais, s'il estoient perdus par mal-garde ou autrement, lesdicts francs-archers les fourniront à leurs depens, et à ce seront contraints par lesdits capitaine generaulx, réaulment et de fait, par prinse de corps et de biens.

(5) Item.

Pour subvenir auxdicts francs-archers et leur ayder à vivre et entretenir quand ils seront mandez pour aller à la guerre, le capitaine general ordonnera, s'il voit que bon soit, que sur ladicte somme de neuf livres tournois soit baillé à chacun franc-archer à son partement jusques à trente sols tournois, pour venir et soy entretenir sur-le-champ, en attendant que ayons pourveu et ordonné de leur payement.

(6) Item.

Et, en quelque lieu que lesdicts francs-archers soient demourans, supposé que ce ne soit ez paroisses pour lesquelles ils sont francs-archers, ils seront tenuz francs de tailles et joyront de toutes franchises de francs- archers, pourveu que ce ne soit hors de l'eslection dont ils seront francs- archers, sans que les habitans desdites paroisses ayent aucun recours ou retour, à cause de leur demeure, sur les habitans pour lesquieulx ils sont francs-archers ; et aussi, en faisant les assiettes particulieres de la taille, les esleuz auront regard à bailler taux et portion raisonnable aux habitans des paroisses où iceulx francs-archers seront demourans.

(7) Item.

Deffendons ausdicts capitaines generaulx qu'ils ne souffrent par les capitaines particuliers muer ou changer aucun franc-archer pour y en mettre d'autres, ne que eulx-mesmes en mettent aucun nouveau, sinon et quand le cas adviendra qu'il y ait aucun lieu vacant pour quelque cause que ce soit, les capitaines generaulx et particuliers les y mettront et non autres, chacun à sa charge, sans aucune chose prendre desdicts francs-archers ne des habitans.

(8) Item.

Quand le temps adviendra de la vacation d'aucun lieu de franc-archer, le cappitaine general choisira ledict franc-archer et le prendra en la cinquantaine ou ailleurs en l'eslection, tel qu'il verra bon estre, pourveu qu'il soit personne habile pour servir de franc-archer, dont, pour la lettre de retenue, ledict cappitaine general ou particulier ne autre n'auront aucune chose.

(9) Item.

Et après que ledict franc-archer aura ainsy esté choisy, il lui sera fait bailler et delivrer tout le harnois en bon estat que avoit celuy qui estoit auparavant, et à ce sera contraint le precedent ou ses héritiers par le capitaine, se il n'estoit perdu en fait de guerre, auquel cas, et non autrement, les habitans le fourniront d'habillement de guerre seulement pour la premiere fois, et après l'entretiendra comme dit est.

(10) Item.

Deffendons ausdicts cappitaines tant generaulx que particuliers qu'ils ne preignent ne facent prendre aux monstres desdicts francs-archers ne des habitans aucune chose pour droit de flesche ne autrement.

(11) Item.

Et semblablement deffendons ausdicts cappitaines que ils ne reçoivent aucuns francs-archers à bailler hommes pour eulx aller à la guerre, mais voulons que ceulx qui seront ordonnez pour francs-archers y aillent en personne, se ils ne sont en nécessité de maladie ; et, se autrement estoit fait, nous voulons et commandons par ces presentes, qu'ils soient assiz à taille pour les paroissiens et puniz par les cappitaines generaux et privés de plus estre francs-archers, et que lesdicts esleuz en certificent incontinent les dicts cappitaines generaulx pour en faire faire telle et si grieffve pugnition que ce soit exemple à tous autres.

(12) Item.

Et quand il adviendra que lesdicts habitans auront à fournir aucunes choses pour lesdicts francs-archers par la maniere que dit est soit habillement de guerre ou haucquetons, ils les pourront achepter ou faire là où bon leur semblera et où ils en auront le meilleur marchié, sans ce que lesdicts cappitaines en ayent aucune entremise, ne que par leur main ils soient delivrez; toutesvoyes, se lesdicis habillemens n'estoient bons et suffisans, lesdicts capitaines pourront faire contraindre lesdicts habitans et paroissiens, et aussi lesdicts francs-archers, quand le cas y escheoira, à en bailier d'autres bien souffisans.

(13) Item.

Quant lesdicts francs-archers yront en la guerre, ils ne s'en pourront partir sans avoir congé du cappitaine general, sur peine de la hart ; et se aucuns sont trouvz faisans ou avoir fait le contraire, que les baillys et juges des lieux les facent prendre et constituer prisonniers et les detiennent prisonniers jusques à ce que ils en ayent adverty le cappitane general soubz la charge et conduitte duquel ils seront, pour en faire la pugnition ainsi que dessus est dit.

(14) Item.

Quant il aura aucuns desdicts francs-archers qui, par impotance, mutilation et meschef à eulx advenu en expedition de guerre, ou par vieillesse, ne pourront plus servir et seront ostez et mis hors de ladicte ordonnance de francs-archers, en ayant ceriffication de leur cappitane general des bons services que ils nous auront fait, ils auront leurs lettres de franchise telles que nous avons ordonné ausdicts francs-archers, et leur baillera le secretaire de nos finances, ainsy que nous avons commandé.


Si donnons en mandement par ces presentes à tous baillifs, seneschaulx, cappitaines generaulx et particuliers desdicts francs-archers, esleuz sur le faict de nos aydes, et à tous autres justiciers et officiers ou à leurs lieutenans, ou à chacun d'eulx si comme à luy appartiendra, que nos presens edit, ordonnaces et volontez, et le contenu en cesdictes presentes, ils entretiennent et gardent, facent entretenir et garder chacun en droit inviolablement, sans contraindre et avoir regard à autres ordonnances qui pourroient estre contraires et deroger à cesdictes presentes, et icelles facent incontinent publier en leurs baillages, seneschaussées et élections, où mestier sera, à ce que aucun n'en puisse pretendre juste cause d'ignorance, et que des transgresseurs et infracteurs d'icelles ils facent ou facent faire pugnition et restitution selon l'exigeance des cas, en ensuivant le contenu en nosdictes ordonnances sans aucune dissimulation , tellement que ce soit exemple à tous autres. Et en outre, pourvu que la fin des treves prises entre nous et Charles de Bourgogne, nostre rebelle et desobeissant subject, ses alliez et complices, sera brief, et que le besoing nous est pourveoir promptement à nostre fait pour resistcr aux dampnables entreprises que s'efforcent faire luy et ses alliez, complices et adherans, pour grever et endommagcr nous, nos royaume et service, et nos bons et loyaux vassaulx et subjets, et nous ayder desdicts francs- archers, mandons et commandons en commettant par cesdictes presentes à tous lesdicts esluz nostredict royaulme, que, incontinent ladicte publication faite, ils contraignent, chacun en son endroit, les habitants des villes et paroisses à bailler et mettre en point de tous habillemens de guerre lesdicts francs-archers dont ils ont charge selon le contenu cy-dessus, et les facent tenir tous prests et en habillement, comme dist est, dedans le vingtiesme jour d'avril prochain venant, et à ce faire et souffrir contraignez ou faites contraindre, ainsi qu'il est accoustumé de faire pour nos propres besognes et affaires, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, pour lesquelles ne voulons estre aucunement differé. Et, pour ce que l'on pourra avoir à besongner desdictes presentes en plusieurs et divers lieux, nous voulons que au vidimus d'icelles, fait soubz scel royal, foi soit ajoutée comme à ce present original , auque, en tesmoing de ce, nous avons fait mettre notre scel. Donné à Paris, le xxx° jour de Mars, l'an de grace mil ccc lxxv, après Pasques, et de nostre regne le xiiii°. Ainsi : Par le Roi, le sire de Beaujeu, le sire de Curion.



Le Rozier des Guerres

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