Lettres concernant l'Habillement des Francs-Archers, et les sommes levées par leurs Capitaines.

(A Paris, le 12 janvier 1474.)


L

OYS, par la grace de Dieu, Roy de France, à tous ceulx qui ces prescrites verront, salut. Comme plusieurs plaintes et doléances nous aient esté faites des grans et aucuns innumerables maulx, dommages, pilleries, concussions, exactions, qui ont esté par cy-devant et encores sont chacun jour fais, commis et perpétrez en diverses manieres, au faict et entretainement de noz francs-archiers, et soubs umbre et à l'occasion d'iceulx, à la très-grande foule, charge et oppression de nos subgetz et habitans de nostre royaume ; et à cette cause, nous, desirans de tout nostre cuer reprimer et du tout abatre et oster lesdicts maulx, pilleries et autres malefices deffendus, et nosdicts subjets relever des charges et oppressions indeues, ayons, par l'advis et deliberation de plusieurs seigneurs de nostre sang, de nos chefs de guerre, des gens de nostre royaume de nostre grand conseil de nos finances, faict les ordonnances qui sont suivant :

Et premierement.

Nous defendons à tous capitaines generaux et particuliers desdicts francs-archiers, que, pour nouvelle réception et mutation de franc-archier, ils ne preignent ou fassent prendre aucunes choses, et qu'ils ne baillent aucune commission pour mectre sus aucune somme de deniers sur nos subgets pour le faict desdicts francs-archcrs , en quelque maniere que ce soit; ainçois, s'aucunes en ont et sont données par eux ne par autres, nous les avons révoquées et adnullées, révoquons et adnullons, ensemble tout le pouvoir que lesdicts capitaines ou autres quelconques pourront avoir de nous de ce faire, par ces présentes , et voulons que aucunement n'y soit obey, fors seulement à nos mandemens patens, signez de l'un de nos secretaires signans en finances.

(2) Item.

Que lesdicts capitaines generaulx et particuliers ne facent plus faire ne contraignent nos subjets à payer les hocquetons desdicts francs-archers, ne aussi à prendre ne achepter d'eulx ne d'autres par eulx, à leur faire plaisir et voulenté, picques, voulges ne autre habillement de guerre pour l'habillement desdicts francs-archers, ainsi qu'ils ont fait par cy-devant ; ainçoys voulons que, quand il adviendra que aucun franc-archer sera nouvellement mis sus, nosdicts subgetz feront faire lesdicts hocqtietons, et achepteront lesdictes piques et voulges, brigandines et autres habillemens, de guerre où bon leur semblera, et n'auront lesdicts francs-archers hocquetons que deux ans en deux ans, quand les leurs seront gastez, pour porter sur leur harnois seulement, et du pris de vingt sols tournois la pièce et au-dessoubs.

(3) Item.

Et après que lesdicts francs-archers seront une fois suffisamment habillez, nous voulons que, dès-lors en avant, aucune chose ne leur soit baillée pour harnois ou autre habillement quelconque, sinon toutes voyes que en exploict de guerre ilz eussent perdu leur habillement de guerre ou partie d'iceluy, auquel cas ilz seront tenus de rapporter certification de leurs capitaines de la perte dudict harnoys ; autrement, si lesdicts francs-archers perdent, vendent, engagent ou desgastent lesdicts harnoys ou partie d'iceulx, qu'ilz soient contraints par lesdits capitaines et esleuz réaument et de fait, par prinse de corps et de biens, à restituer lesdicts harnoys.

(4)Item.

Voulons et ordonnons que les habitans des paroisses fourniront charettes à leurs depens pour mener les habillemens desdicts francs-archers quant ils iront en guerre, c'est assavoir, une charrette pour quinze francs-archers se faite n'est , et lesdicts quinze francs-archers seront tenuz de achepter et fournir à leurs depens chevaulx et harnoys pour mener lesdictes charrettes, ensemble le chartier pour les conduire ; et au regard des francs-archers des pays et duchez de Normandie et de Guienne, ilz ne meneront lesdictes charrettes avec eulx, s'ils ne vont en guerre hors desdicts duchez et pays.

(5) Item.

Deffendons que plus ne soit laissé ès mains ne en la possession desdicts francs-archers, eulx estans en leurs maisons et en temps de paix, espées, voulges, picques, arbalestres, traits, brigandines, hocquetons, ny autres choses quelconques servans à leur habillement de guerre, mais voulons que les habitans des paroisses qui les habitent en ayent la garde, et que le tout soit mis en lieu seur pour l'avoir prest toutes et quantes fois que lesdits francs-archiers seront mandez pour aller aux monstres et en la guerre.

(6) Item.

Deffendons en outre ausdicts capitaines generaulx et particuliers, aux esleuz et à leurs commis, et autres juges quelz qu'ilz soient, qu'ilz ne contraignent et ne facent contraindre nosdicts subjects à bailler ausdicts francs-archers quand ils seront envoyez à la guerre ne autrement, en quelque temps que ce soit, ung escu pour homme, ne autre somme, ne pareillement prepoints, chausses, chemises, chapeaux, bonnets ne austres vestements quelconques, fors seulement à chacun franc-archer la somme de six livres tournois, qui leur sera baillée et payée, chacun an, tant en temps de guerre que de paix, par nosdicts subjects, à quatre termes et payemens l'an, c'est assavoir, à chacun terme trente sols tournois, pour leur entretennement, comprins l'exemption et franchise qu'ilz ont de nous de non payer noz tailles et autres aydes et subsides.


Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à noz amez et féaulx les mareschaux de France, à tous nos baillis, seneschaux et autres officiers et justiciers ou à leurs lieutenants, présents et advenir, ci à chacun d'eulx si comme à lui appartiendra, que nosdictes ordonnances et tout le contenu en ces presentes ilz entretiennent et gardent, et facent entretenir et garder, chacun en droit soy, inviolablement et sans enfraindre, et les facent publier en leurs baillages et seneschaucées, et ailleurs où mestier sera, afin que aucun n'en puisse prétendre cause d'ignorance, et que des transgresseurs ou infracteurs d'icelles ilz facent ou facent faire pugnition ou restitution selon le contenu desdictes ordonnances, et à ce faire et souffrir contraignent ou facent contraindre tous ceulx qu'il appartiendra, réaument et de fait, vigoureusement et sans deport, ainsi qu'il est accoustumé de faire en tel cas, nonobstant oppositions ou appellations quelconques ; pour lesquelles ne voulons en ce estre aucunement differé. Et pour ce qu'on pourra avoir à besoing de ces presentes en divers lieux, nous voulons que au vidimus d'icelles, fait soulbz scel royal, foy soit adjoustée comme à ce present original. En tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre scel à ces prescrites.


Donné à Paris, xii° jour de Janvier, l'an de grace mil cccc soixante et quatorze, et de nostre resgne le xiiii°. Ainsy signé dessus le replis : Par le Roy, AVRILLOT.



Le Rozier des Guerres

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